Echec scolaire, comment motiver un cancre ?

Voici quelques manières d’aborder positivement le subtil paramètre de la motivation!..

Motiver la motivation ! ❀

 

Echec scolaire : comment motiver un cancre ?

Le psy­cho­so­cio­logue et neuropédagogue Alain Sotto(1), ancien cancre et fon­da­teur du site inter­net « cancres.com », indique qu’il n’y a pas de fata­lité à être « nul » un jour. Ce formateur explique com­ment les ensei­gnants peuvent aider les cancres à sortir de la spirale de l’échec. Entretien.

Qui sont exacte­ment les cancres ? Des élèves inaptes ou juste stressés ?

Il n’existe pas de pro­fil type mais tous ont un point commun : la difficulté à être attentif, à faire exister dans leur tête ce qui est dit en classe. La trans­mission du savoir ne se fait pas. Parmi ces mauvais élèves, il y a celui qui ne comprend pas la langue scolaire, parce qu’il ne dis­pose pas du voca­bu­laire suf­fi­sant. Les mots de l’enseignant ne se traduisent pas en images de sens, or 90% des mes­sages sont ver­baux. Pour dire les choses trivialement, l’enfant se retrouve « à côté de la plaque » et, bien souvent, il s’ennuie ou se sent frustré. Dans ce cas, soit il se met à rêver, soit il s’amuse avec son stylo, ou bien il va don­ner un coup de coude à sa voisine pour bavarder… D’autres cancres n’ont tout simplement pas d’espace mental disponible. Ils peuvent avoir des pro­blèmes familiaux et, même s’ils ont le vocabulaire, ils ne suivent pas le cours, se contentant d’être dans la réaction. Et puis, certains enfants ne veulent pas apprendre car ils ont décrété que ça ne les intéressait pas. Les cas de figure sont multiples.

Vous avez vous-même fait par­tie des « nuls » à une époque. Quel a été le déclic ?

J’avais de mauvaises notes à l’école. Je l’ai mal vécu car je me sentais infé­rieur aux autres. Quand on est enfant, la pre­mière chose dont on se rend compte c’est de la décep­tion des parents et des ensei­gnants. Curieusement, j’écoutais en classe mais dans le but de rebondir et de sortir une plaisanterie pour faire rire toute la classe. J’ai développé une compétence d’animateur. Le revers de la médaille c’est que j’étais sou­vent puni. Et puis un jour, un très bon ensei­gnant de français, puis plus tard de philosophie, m’a fait confiance et m’a mon­tré que j’avais une pensée propre. Tout d’un coup, j’avais une certaine valeur. Je me suis alors mis à lire, j’ai fait moins de fautes et j’ai eu mon bac de justesse, avant de décrocher plusieurs mentions à l’université.

Quelle est la part de responsabilité des enseignants dans l’échec scolaire ?

Avant la res­pon­sa­bi­lité des ensei­gnants, je met­trais d’abord le cadre dans lequel on les a pla­cés. Un prof d’histoire, par exemple, a bachoté pen­dant toutes ses études. Il dis­pose de tout l’équipement néces­saire pour ensei­gner sa matière. Le pro­blème c’est qu’on ne l’a formé ni à la psy­cho­lo­gie de l’enfant, ni à la manière dont on com­mu­nique un mes­sage, ni à la dyna­mique de groupe ! Or la meilleure façon d’apprendre c’est de travailler en petits groupes, au tra­vers d’ateliers pour aller chercher soi-même l’information. Il faut réduire la part d’enseignement magistral.

Aujourd’hui, il est malsain et invraisemblable de laisser un adulte au pri­maire devant 30 élèves. Si on met­tait deux ensei­gnants, devant les mêmes effec­tifs, il y aurait une réduction très importante de l’échec scolaire. Je l’ai expé­ri­menté en co-animant dans une classe avec un ensei­gnant : une dyna­mique se crée immédiatement, la classe devient un espace col­la­bo­ra­tif, avec un jeu de paroles. Aujourd’hui, le scénario classe ne fonctionne plus. D’ailleurs, de plus en plus d’enseignants entrent en résis­tance pour dénon­cer cette situation.

Comment aider un cancre à s’en sortir ?

C’est très com­pli­qué car l’enseignant ne peut pas tout arrêter pour ne s’occuper que d’un ou deux élèves en dif­fi­culté. Ce qui est sûr : ce n’est pas en disant « peut mieux faire » à un élève qu’il va s’en sortir, c’est un pan­se­ment sur une jambe de bois ! Ce qui fonctionne c’est de créer une nou­velle mémoire qui va se substituer à la mémoire de l’échec. Cela ne peut se faire qu’en toute petite classe. La motivation est un acte intérieur. Elle ne peut venir que si le cancre expérimente la réussite et qu’il constate qu’il peut aller au bout d’un travail et en retirer du plaisir.

A quoi res­semble le prof idéal ?

Il n’est pas encore né ! Plus sérieusement, c’est celui qui est d’abord convaincu que l’intelligence est éducable, que c’est en ins­tal­lant un esprit col­la­bo­ra­tif que l’on peut tirer tout le monde vers le haut. Ce qui n’empêche pas de noter les élèves. L’important c’est qu’aucun enfant ne reste sur le bord du chemin. Mais il ne faut pas s’y tromper, les enseignants sont les premiers à souffrir des échecs de leurs élèves mais ils se blindent pour avoir la force de retourner faire cours. L’enseignant idéal doit être capable d’enseigner aussi bien à des maternelles qu’à des étudiants. C’est un prof qui a beaucoup de culture et qui va toujours cher­cher à développer, en parallèle de la mémoire reproductive, la mémoire trans­formatrice, c’est-à-dire l’imagination.

Charles Centofanti